Georges BERNIER – Prof CHORON – 10.01.2005

Mort du professeur Choron: la provocation élevée au rang des beaux-arts- 10.01.05 

PARIS (AFP) – Le « Professeur Choron », de son vrai nom Georges Bernier, est mort lundi matin à l’hôpital Necker à l’âge de 75 ans, a-t-on appris dans son entourage.

Selon Yoram Perez, journaliste à La Mouise, Georges Bernier est mort des suites d’une longue maladie.

Champion du mauvais goût et de la grossièreté pour les uns, iconoclaste et provocateur de génie pour les autres, le professeur Choron restera dans les mémoires comme le fondateur de l’humour « bête et méchant ».

Né le 21 septembre 1929 à Aubreville, dans la Meuse, le professeur Choron, de son vrai nom Georges Bernier, avait accédé à la célébrité au début des années 60 en fondant le mensuel Hara-Kiri, qui n’hésitait pas à se définir comme « bête et méchant ».

Fondé avec l’écrivain François Cavanna, le titre du journal était la solution d’une charade qui en résumait l’esprit: « Mon premier s’éructe dans un lit de mort ou de plaisir; mon second vit dans l’égoût; mon troisième est un litre de rouge sans aile; mon quatrième est le but de mon tout, qui est lui-même le nom du nouveau journal ».

Abondamment illustré, le mensuel n’hésite pas à mettre en scène des jeunes femmes dévêtues, généralement couvertes de détritus. Le professeur Choron, avec son équipe (dont plusieurs dessinateurs aujourd’hui réputés comme Topor, Reiser, Gebe, Wolinski et Cabu), se met lui-même en scène dans de courts sketches en photos. Très vite, son crâne chauve, sa petite moustache, son fume-cigarette seront connus de tous.

Censuré, parfois interdit, le mensuel Hara-Kiri disparaît pour renaître le 3 février 1969 sous forme d’un hebdomadaire, « Hara Kiri Hebdo ».

En novembre 1970, à la mort du général de Gaulle, le journal franchit une nouvelle fois les bornes en titrant: « Bal tragique à Colombey – 1 mort » (référence à un incendie dans une discothèque qui avait fait 146 morts). Il se voit définitivement interdit de paraître par le ministère de l’Intérieur. Pour continuer, le journal change de titre et devient Charlie Hebdo.

« L’Hebdo, devenue Charlie Hebdo, ne toléra plus d’obstacles à son insolence. Ce qui lui valut à jet continu les redoutables honneurs de la XVIIe Chanbre correctionnelle », écrivait récemment François Cavanna, qui avait rompu avec son ancien partenaire.

Selon Cavanna, en tant que directeur de la publication, le professeur Choron « payait les amendes et n’était pas le dernier à pousser au vice ». Finalement, ajoute-t-il, « les coûts des procès accumulés, et aussi, il faut le dire, la gestion pour le moins aventureuse de Choron nous mirent soudain face à un trou énorme dans la trésorerie ».

Sous sa première formule, Charlie Hebdo cessa de paraître en décembre 1981.

Privé de son principal moyen d’expression, le professeur Choron, père de la comédienne Michèle Bernier, n’en continua pas moins sa carrière de provocateur.

En 1983, on l’arrête dans un bar de la rue de Bièvre, à Paris, où se trouve la résidence du président François Mitterrand. Après une soirée bien arrosée, il chantait « la diarrhée rose » (pour « la marée rose », qui désignait la vague socialiste) et encore « Qui se vautre à l’Elysée ? C’est Mitterrand et sa traînée ».

Dans les années 1970, il avait été condamné à plusieurs amendes pour injures envers l’armée et injures et diffamation envers la police.

En 1984, il avait essuyé une forte amende pour injure publique à la suite de la couverture par l’hebdomadaire de la catastrophe de Beaune (Côte-d’Or) en 1982 qui avait fait 46 morts dont 44 enfants.

A ses heures, l’humoriste était aussi chanteur. Il avait ainsi sorti 21 chansons en 2000, qualifiées à l’époque par la presse de « chansons de salles de garde ».

« Je n’ai jamais été de gauche, ni de droite d’ailleurs », assurait cet ancien engagé volontaire comme tirailleur de la Coloniale, revenu d’Indochine en 1952.

En 1999, la chaîne cryptée Canal+ diffuse une opérette sur la seconde guerre mondiale dont il signe le livret, intitulée « Ivre mort pour la patrie ».

En 2001, il avait publié aux éditions « Le dilettante », « Tout s’éclaire! », un recueil de ses pensées, dont une qui avait sa préférence: « Il y a plus de bonheur à donner un coup de pied au cul qu’à en recevoir ».